Co-concevoir la lumière, revue Obras au Mexique par Miquel Angel Julià
Actuellement lorsqu’on parle de design, il est plus important de parler de « comment concevoir » que de « quoi concevoir ». C’est pourquoi dans la conception de l’éclairage architectural, comme dans toute autre spécialité, il est nécessaire que tout d’abord, nous repensions les processus et les méthodologies. Pouvons-nous comprendre le design comme un outil stratégique pour une entreprise? L’imagination et le design peuvent-ils aider à vendre plus et mieux? Bien sûr, mais commençons par le commencement … qu’est-ce que le design?
Tout comme le gourou du marketing Regis McKenna, a déclaré que «Le marketing est tout et tout est marketing» nous pourrions dire que le design est tout et tout est design. Presque tous «l’artificiel» qui nous entoure et facilite notre qualité de vie a été conçu, pensé, dessiné. Nous avons juste besoin de savoir observer. On conçoit des objets, des espaces, des illuminations, des bâtiments, des services, des expériences…
Le design c’est la voiture que nous conduisons, la pince à linge, l’iPad, le trombone avec lequel nous soutenons les feuilles de papier, la chaise sur laquelle nous nous sommes assis… Il est vrai que nous n’avions jamais accumulé autant d’objets dans notre vie quotidienne. Mais nous faisons un usage mauvais et excessif du mot design comme adjectif, en dénaturant son sens originel. Nous parlons de « lofts design », « drogues design » … et même de « design de sourire ». Certain médias utilisent design de façon frivole et superficielle, comme un adjectif, dénaturant sa signification originale.
Nous devons utiliser le verbe « concevoir », en le comprenant comme l’activité abstraite avant la production, ou comme un nom, « conception » ou design en le comprenant comme le résultat final. Mais… que se passerait-il si nous incorporions la pensé créative du concepteur à l’analyse des écoles de commerce? Comme il est dit au début du texte, la conception, ou le design, peut être utilisé comme outil stratégique des marques, en aidant les entreprises à vendre plus et à améliorer leur productivité.
Recherche, créativité et société se rejoignent sur les nouveaux modèles d’affaires, mais à la fin, c’est la société, l’utilisateur, qui décide si quelque chose fonctionne ou non… Si l’on ne fait pas ce qu’on imagine, même ce qui est inutile, il n’y a pas d’innovation. Il serait donc bon de définir maintenant ce que nous considérons comme « co-conception », « co-design ». Cette méthodologie de projet, qui n’est pas nouvelle et qui se pratique toujours en équipe, nous permet de créer de la valeur pour chaque projet, avec les savoirs du client, de l’utilisateur et des disciplines externes que le concepteur choisi d’utiliser.
Nous parlons d’innovation ouverte, de co-création et de co-conception qui signifie généralement concevoir avec le client et / ou l’utilisateur. Mais il est préférable de comprendre le concept de co-conception, comme le plus haut niveau de coworking (collaboration), de partager les connaissances entre les différentes disciplines qui, en général, se tournent le dos ou tout simplement s’ignorent.
Appliquer aux projets le concept de co-conception signifie que l’architecte-designer s’enrichit de la collaboration des éléments qui traditionnellement restent absent au moment de projeter. Le traitement du client en collaboration se traduit par « l’écoute active » des besoins de l’utilisateur et des aspirations que le client veut atteindre avec la conception, le design, qu’il souhaite créer et développer. C’est le moyen le plus efficace pour répondre aux besoins spécifiques qui conduisent à la création de nouveaux modèles d’affaires, la conception étant le moteur pour trouver de nouvelles opportunités.
Il faut écouter le client, mais la phrase « le client a toujours raison » n’est pas tout à fait vrai. Ce n’est pas vrai non plus, pour l’architecte ou le designer. Nous devons amorcer « l’écoute active » avec le client. Nous devons donc prendre soin de la mauvaise utilisation de co-création (créer avec le client). Le client doit être écouté, mais il doit être interprété. C’est à la feuille blanche que nous nous affrontons nous les spécialistes. Ne va-t-on pas chez le médecin au lieu de pratiquer l’automédication ? Eh bien ici, c’est la même chose.
Ainsi se crée de la valeur pour chaque projet, avec la connaissance que le co-concepteur choisit d’utiliser du client, de l’utilisateur et d’autres disciplines extérieures de conception. Atteignant de cette manière la différenciation et l’exclusivité qui donne un style personnalisé, unique et novateur à chaque projet et chaque client. Celui-ci devra, chaque fois, accumuler moins de compétences techniques et améliorer sa capacité à connecter les personnes, être une sorte de linker. L’architecte-designer pourra être un HUB (connecteur) de la connaissance, un spécialiste interdisciplinaire et avec plusieurs niveaux de compétences.
Co-concevoir ne signifie pas avoir un comité de conception. C’est la nécessité d’impliquer toutes les parties prenantes, et pas seulement les spécialistes. C’est la meilleure façon de comprendre, d’analyser et d’améliorer les processus de travail. Il ne faut pas imposer un changement et l’appliquer, mais il doit être pensé et défini collectivement pour qu’il soit considéré comme propre à toute l’équipe.
Presque comme conclusion et en parlant de co-conception, je souhaiterai pouvoir présenter trois personnes de références à considérer. Cela surprendra qu’ils ne soient pas architectes, ni lightdesigners, ni même qu’ils ne possèdent de diplômes universitaires : Ferran Adrià, Steve Jobs et Pep Guardiola. Qu’ont-ils en commun? Là, je laisse la question en suspens. Parce qu’il est plus important d’avoir des questions et de savoir qui peut donner la réponse, que de la connaitre.
Maintenant oui, pour finir, je vous laisse avec une phrase du reconnue professeur, chercheur et divulgateur scientifique Jorge Wagensberg: « Changer de réponse est une évolution; changer de question est une révolution ». Révolutionnons ensemble l’avenir de l’ombre ? Je dis ombre, car sans ombre il n’y a pas de lumière …
Miquel Angel Julià, directeur de conception de Group Idea.
Cet article est un extrait révisé de la conférence « Co-design et lumière » donné par l’architecte Miquel Angel Julià, directeur de la conception de GRUP IDEA à l’Université d’architecture de l’UNAM (10/11/2013).